Lundi 20 avril 2009 | CONVERGENCE |
de Bruno Guglielminetti
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Un porte-étendard du téléchargement libre est mis en échec
Durant le week-end, le verdict est tombé à Stockholm pour les dirigeants d'un moteur de recherche qui conduit vers des fichiers d'échange BitTorrent. Le tribunal de Stockholm condamne les responsables du site The Pirate Bay, Peter Sunde, Gottfrid Svartholm Warg, Fredrik Neij et Carl Lundstrom, à payer une amende de 30 millions de couronnes, soit environ 4,3 millions $CAN, et d'aller passer une année derrière les barreaux. L'histoire peut sembler anodine pour qui n'est pas familier avec le dossier de l'échange de fichiers par Internet, mais elle revêt une importance toute particulière pour les 22 millions d'internautes qui échangent des fichiers à partir des renseignements obtenus par le moteur de recherche et, évidemment, pour les représentants de l'industrie du disque, du cinéma et du jeu vidéo, qui réclamait plus de 16 millions de dollars à Pirate Bay pour pallier le manque à gagner dû aux téléchargements. Porte-étandard Le jugement est important, car The Pirate Bay était devenu avec le temps une sorte de porte-étendard de la cause du téléchargement libre. Le portail, qui n'héberge pas de fichiers mais oriente plutôt les internautes vers des serveurs qui hébergent des copies de musiques, de films, de logiciels, était sûr de sa légitimité. Et sur ce point, il semble que les responsables du site avaient en partie raison puisque la justice suédoise les condamne pour avoir facilité la violation du droit d'auteur et non pas pour l'avoir violé directement. Il aura fallu quatre ans à la Motion Picture Association, depuis la première plainte, déposée à la fin de 2004, pour en arriver à ce verdict de culpabilité. Avec le temps, pour l'industrie du cinéma, l'équipe The Pirate Bay était devenue un symbole à pourfendre et à détruire. Mais le hic dans toute cette histoire, qui aura coûté des millions de dollars aux grands studios d'Hollywood, c'est que malgré tout ce travail, malgré le verdict de culpabilité contre les quatre dirigeants du répertoire, le moteur de recherche fonctionne toujours. Aujourd'hui, si vous passez visiter le site The Pirate Bay, que vous y indiquez le titre d'une chanson, d'un film, d'un livre électronique, d'un jeu vidéo ou le nom d'un chanteur, d'un acteur ou d'un réalisateur, en une fraction de seconde, vous aurez devant vos yeux une liste de serveurs BitTorrent qui vous proposent le téléchargement gratuit de ses oeuvres. Des oeuvres très souvent piratées, mais également des oeuvres librement offertes par leurs créateurs pour en faciliter leur distribution par Internet. Le Canada à part L'histoire se corse si vous habitez au Canada, car, contrairement à la majorité des pays occidentaux, il n'y a pas encore ici de loi qui encadre l'utilisation d'Internet pour le téléchargement. Au Canada, personne n'a encore été reconnu coupable de téléchargement de musique par Internet. On a condamné des gens qui produisaient des copies, qui les distribuaient, mais rien n'est encore arrivé à ceux qui téléchargent. À deux reprises, une première fois sous l'administration Martin et plus récemment, lors du premier mandat de l'administration Harper, le gouvernement fédéral a tenté de mettre à jour la loi canadienne sur le droit d'auteur pour mieux répondre à la réalité des neuf dernières années, sans jamais réussir à faire adopter ces changements par le parlement. Dans un contexte où la GRC ferme les yeux sur ce type d'activité depuis novembre 2007, en raison de l'ampleur du téléchargement de musique au Canada. Étant donné que 70 % des internautes canadiens téléchargent aujourd'hui de la musique et de la vidéo par Internet, majoritairement par le biais de réseaux d'échange, on comprend l'ampleur du défi pour l'industrie du disque. Et on est encore loin d'une solution si on en juge les propos de la directrice générale de l'ADISQ, Solange Drouin. Ensemble de solutions Dans son article de vendredi, mon collègue Guillaume Bourgault-Côté citait Mme Drouin qui a affirmé dans le cadre des Rencontres québécoises de l'industrie du disque que l'industrie de la musique était «condamnée à beaucoup de tâtonnements» pour régler la situation. En entretien avec le journaliste du Devoir, elle a déclaré «On est en mode solution maintenant», en ajoutant: «On sait que la solution sera un ensemble de solutions, mais on ne sait pas quoi.» Neuf ans ont passé depuis l'apparition de Napster dans le quotidien des internautes québécois et depuis le début des discussions pour trouver des solutions à la question du téléchargement, et l'industrie du disque semble encore bien peu avancée sur la question. Est-ce que l'avenir passe par une licence globale qui permettra le téléchargement de tous les contenus moyennant un coût mensuel? Par une redevance perçue chez les opérateurs Internet et cellulaire? Par une révision de la structure de l'industrie? Ou encore par un financement spécial des gouvernements, qui passeront la facture aux consommateurs par l'entremise d'une taxe? Patience, on verra bien. |
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