Lundi 6 juin 2005 CONVERGENCE
de Bruno Guglielminetti

Google Print, le nouveau Babylone numérique

Sans tambour ni trompette, le géant mondial de la recherche sur Internet vient de mettre en ligne la première pierre de sa grande bibliothèque numérique. Cette bibliothèque virtuelle qui a tant fait réagir le président français Jacques Chirac, il y a quelques mois. Le projet baptisé Google Library Project permettra aux internautes d'accéder gratuitement aux contenus de millions d'ouvrages qui seront numérisés dans le cadre d'accords avec des partenaires, éditeurs et bibliothèques universitaires anglophones.

Aujourd'hui, dans sa phase test, le service en ligne Google Printoffre déjà un accès à plusieurs milliers de documents. Mais d'ici à six ans, Google veut pouvoir offrir un accès à un catalogue de plus de 15 millions d'ouvrages numérisés.

Droit d'auteur oblige, si l'ouvrage a été publié après 1922, celui-ci sera accessible en partie, seulement trois ou quatre pages avec la couverture et la table des matières. Mais si l'ouvrage a été publié avant cette date ou est déjà du domaine public, alors Google Print offrira bientôt l'ouvrage dans son intégralité.

Chirac n'est pas content

Coïncidence ou pas, la mise en ligne du nouveau service Google Print arrive au moment même où l'un de ses principaux opposants est en pleine tourmente. Le président Chirac conteste depuis le début l'initiative de Google. Pour Jacques Chirac, il n'est pas question de voir le patrimoine mondial résumé chez Google par la culture anglo-saxonne qui se retrouve dans les grandes bibliothèques des Universités du Michigan, de Harvard, Stanford, Oxford et de la Bibliothèque publique de New York.

D'ailleurs, le président français a lancé une véritable corvée de numérisation en avril dernier en mettant en place un vaste programme de numérisation des ouvrages dans plus de dix-neuf grandes bibliothèques publiques européennes, en riposte à l'offensive de Google.

Il faut souligner qu'il existe également une certaine polémique au pays de l'Oncle Sam. Tous ne sont pas emballés par l'initiative de Google qui veut devenir dépositaire du patrimoine mondiale. L'organisme américain AAUP, qui représente la presse universitaire américaine, illustre bien le malaise que provoque le chantier de Google. L'AAUP a demandé à Google de préciser comment les droits d'auteur et les droits sur la propriété intellectuelle seraient protégés dans le cadre du grand projet Google Library Project.

Calmer la tempête

Mais pour revenir à la contestation européenne, les principaux protagonistes des deux côtés de l'océan tentent de calmer la tempête culturelle. Chez Google, on indique même que des contacts préliminaires ont été établis entre les deux parties. Cependant, il n'en reste pas moins que la direction du projet américain tente des rapprochements avec les éditeurs francophones du Québec et du Canada pour trouver des alliés. Verrons-nous une partie de la collection numérique de la Grande Bibliothèque du Québec accessible à partir de Google?

Parce que la numérisation du patrimoine littéraire, ce n'est pas uniquement l'apanage d'une grande entreprise comme Google ou de grands pays européens comme la France ou l'Allemagne. Dans ce domaine, la Grande Bibliothèque du Québec fait bonne figure avec déjà des milliers de titres disponibles en ligne pour consultation. La collection de 1500 livres et partitions musicales québécois du XIXe et XXe siècles et la sélection de journaux et magazines influents de 1837 à nos jours créent un avoir numérique intéressant.

De son côté, pour le moment, Google Print présente quelques extraits de titres québécois, mais en version anglaise. On peut ainsi trouver Vive Quebec!: New Thinking and New Approaches to the Quebec Nation de mon collègue Michel Venne, Quebec: A Chronicle: 1968-1972 de Nick Auf Der Maur publié en 1972 et même, l'ouvrage de Jean-Francois Lisée sur Robert Bourassa intitulé en anglais Trickster: Robert Bourassa and Quebecers 1990-1992.

Quelques titres en français

Côté contenu francophone, le paysage est beaucoup plus pauvre. Google offre tout de même quelques titres en français. Au hasard des recherches, on trouvera l'extrait d'un ouvrage sur la politique économique, un essai sur la communication romanesque ou encore, sur la lecture de la Bible.

Il sera intéressant de suivre dans les mois à venir les tractations entre les divers dépositaires du patrimoine numérique. Qui de l'Europe ou de Google cédera le premier? Est-ce que l'Europe se ralliera à l'initiative de Google? Est-ce que les Nations unies tenteront, par l'entremise de l'Unesco, de prendre part aux discussions pour trouver un terrain d'entente afin de créer une zone franche qui desservira les internautes de tous les continents. Et où trouverons-nous le patrimoine arabe ou africain sur Internet? Des questions et peu de réponses pour le moment.

 

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