Lundi 4 juillet 2005 |
CONVERGENCE
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de Bruno Guglielminetti
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Le Web québécois a dix ans
Vous avez peut-être remarqué que, depuis quelques mois, ici et là au Québec, des panneaux publicitaires le long des routes et des bandeaux publicitaires sur le Web nous annoncent le dixième anniversaire de certains sites Web. Et pour cause, l'année 1995 passera probablement dans l'histoire du Québec, comme étant l'année où les Québécois ont pris demeure sur le Web. Car 1995, c'est le début de l'Internet commercial au Québec avec l'arrivée de petits et grands joueurs qui permettront aux internautes d'ici de devenir des pionniers dans le monde francophone. Les plus vieux se souviendront des babillards électroniques, les fameux BBS ou encore du service Compuserve, qui n'est malheureusement plus que l'ombre de lui même aujourd'hui. Certains se souviendront avec nostalgie d'autres expériences de télématique, mais c'est véritablement en 1995 que l'autoroute de l'information, sous les traits d'Internet, ouvrira enfin ses portes au grand public. Plus besoin d'être chercheur universitaire pour se brancher au réseau Internet par l'intermédiaire du Réseau interordinateurs scientifique québécois, un coup de fil suffit pour contacter les premiers fournisseurs d'accès à Internet. Quelques jours d'attente et la disquette arrive par la poste, et c'est la magie le cybermonde qui nous attend au bout du modem. Petite anecdote au passage. En 1994, je me souviens avoir utilisé une trousse américaine de branchement à Internet. À l'intérieur de la trousse «Internet in a box», on trouvait un ouvrage de présentation d'Internet de l'éditeur O'Reilly, une disquette de branchement et le logiciel de navigation Mosaic. La boîte ne coûtait que 30 dollars, mais c'est à la réception de ma facture de téléphone que j'ai constaté que mon premier mois de navigation sur le réseau des réseaux m'avait coûté plus de 300 dollars en frais d'interurbain. Visionnaires En 1995, c'est l'occasion de voir l'apparition des visionnaires, ces gens qui ont compris qu'Internet était là pour de bon et qu'il faut s'y installer pour prendre sa place et assurer à sa langue et sa culture son rayonnement dans le monde virtuel. Pour une génération de Québécois, la colonisation ne passera pas par les grandes étendues de l'Abitibi, mais bien par les vastes espaces virtuels du cybermonde. Et c'est à ce moment-là que les premiers artisans du Web québécois vont naître. Le premier exemple qui me vient en tête, c'est celui de l'éditeur Patrick Pierra. Le nom vous dit peut-être peu de choses, mais c'est à lui que l'on doit tous les sites de la grande famille Branchez-vous. Le site du même nom étant probablement le plus connu. Patrick Pierra est un des premiers entrepreneurs et éditeurs de sites Web du pays, avant même que la vague de l'eldorado ne pointe à l'horizon. C'est à lui que nous devons les premières études et les toutes premières réflexions dans le domaine de la publicité en français sur Internet. Il y a quelques mois, le groupe Infopresse remettait son premier prix pour rendre hommage à un pionnier de l'Internet, et c'est à lui que le prix a été décerné. Un lauréat tout à fait approprié qui a réussi à surmonter les nombreuses crises financières et existentielles du Net. Même chose pour la Toile du Québec, l'annuaire québécois est en ligne depuis 1995. Une initiative qui prend ses origines quelque part dans les anciens bureaux du Devoir, alors que deux employés du quotidien tentent de développer une vitrine pour le Web québécois dans leur temps libre. Cette initiative, on la doit à Christian Guy et Yves Williams. Ce petit site de référence, fait maison, deviendra rapidement la page de départ pour bon nombre d'internautes québécois. L'actualité au jour le jour Les sites Matinternet et Planète Québec étaient aussi du paysage en 1995 et, à l'époque, c'est en visitant un de ces deux sites que les internautes francophones pouvaient suivre l'actualité du jour. C'est seulement deux ans plus tard que Radio-Canada va mettre en ligne son site de nouvelles. Je pourrais également prendre l'exemple du journaliste Jean-Pierre Cloutier qui a livré pendant de nombreuses années ses Chroniques de Cybérie par courriel. Ce même Cloutier qui signe aujourd'hui un carnet au sujet de la société, des médias et d'Internet. Le support a peut-être changé, d'un courriel, on est passé à un site Web et ensuite à un blogue, mais l'analyse et la réflexion du chroniqueur Internet sont toujours restées fidèles à ses lecteurs. La radio C'est en 1995 que la radio de Radio-Canada va mettre en ondes la toute première émission francophone exclusivement consacrée à Internet. Je dis en ondes, mais je devrais également dire en ligne. Car à l'époque, plus de deux mille internautes vont venir chaque semaine, d'un peu partout sur la planète, écouter Radionet@ en version Real Audio 1.0, optimisée pour un branchement par modem à 14 000 kbps. C'est par cette émission que nous découvrions le chroniqueur Michel Dumais. Au même moment, Le Devoir offre à ses lecteurs une chronique signée par Benoît Munger, aujourd'hui responsable du site du quotidien et, à l'époque, un des tout premiers journalistes à couvrir le domaine d'Internet. Le journaliste Jean-Hugues Roy fait aussi rêver les lecteurs dans l'hebdomadaire Voir. Dans le monde de l'édition, les Dany Sohier, André Laurendeau et Jean Lalonde tentent d'initier les Québécois au monde d'Internet. Ces auteurs offriront année après année de nouvelles versions de leur ouvrage pour faciliter la découverte du cybermonde aux nouveaux internautes qui débarquent toujours en plus grand nombre. L'État Il faut souligner que c'est en 1995, sous la gouverne de Jacques Parizeau, que le gouvernement québécois amorcera le virage Internet. Bon nombre d'entre vous se souviendront peut-être du premier site Web du gouvernement de Québec, alors que le premier ministre Parizeau accueillait personnellement les internautes à l'aide d'un message vidéo. Au même moment, Québec lance le programme du Fonds de l'autoroute de l'information, une initiative qui va permettre au Québec de rapidement devenir la référence en matière de développement Internet dans l'univers francophone. Et je n'oublie pas les 100 000 internautes québécois qui étaient branchés sur Internet en 1995. Eux aussi, en 2005 ils ont un petit bout de cet anniversaire à célébrer. Voilà, ce n'est qu'un bref, très bref survol de 1995, cette année qui marque l'entrée du Québec dans l'ère Internet. Si vous êtes nostalgique de cette époque, si vous désirez poursuivre ce voyage dans le temps, je vous suggère une visite dans les archives du Web. Passez consulter le site américain Archive.org. C'est en quelque sorte le grenier du Web, certains diront les catacombes du Web. On y archive depuis 1996 des morceaux de sites pour leur permettre de franchir la barrière du temps numérique. |
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